On va être honnête : la plupart d’entre nous (moi le premier il y a quelques années) croyons que la confidentialité se gagne en empilant les outils.
VPN, Signal, Tor, ProtonMail, bloqueurs de trackers… On coche toutes les cases de la « bonne hygiène numérique » et on se dit « ça y est, je suis protégé ».
En réalité, on oublie l’essentiel : tant que tu passes ta vie en ligne, tu restes parfaitement identifiable.
Pas forcément par le contenu de tes messages (qui est souvent bien chiffré), mais par tes habitudes et ton rythme de connexion.
Même avec un VPN ou Tor, le simple fait de te connecter tous les jours à peu près aux mêmes heures, pendant des durées similaires, depuis le même quartier ou la même ville, crée une signature unique.
Quelques exemples concrets issus d’études académiques :
Autrement dit : ce n’est pas ce que tu dis qui te rend visible, c’est quand tu le dis (et pendant combien de temps).
Chaque connexion laisse une petite trace quelque part :
Prises séparément, ces traces sont anodines.
Mises bout à bout et corrélées dans le temps, elles dessinent un portrait ultra-précis de ta vie.
Les personnes qui ont réellement besoin de rester discrètes (journalistes en zone à risque, lanceurs d’alerte, militants, etc.) appliquent toutes la même règle : elles limitent au strict minimum leurs fenêtres de connexion.
Se connecter 10 minutes depuis un lieu choisi, avec un appareil dédié, puis tout éteindre pendant des heures (voire des jours), casse complètement les corrélations temporelles. C’est ennuyeux, contraignant, mais ça marche.
Avoir les meilleurs outils du monde ne sert à rien si tu restes une lumière allumée en permanence dans une ville plongée dans le noir.
La question à se poser n’est plus seulement « comment je me protège ? », mais « est-ce que j’ai vraiment besoin d’être visible là, maintenant ? »
Éteins ton téléphone de temps en temps.
Le monde continuera de tourner.
Ta vie privée, elle, respirera enfin.
[1] de Montjoye et al., « Unique in the Crowd: The privacy bounds of human mobility », Nature Scientific Reports, 2013
→ https://www.nature.com/articles/srep01376
(Mise à jour avec 4 points temporels : 95 % de ré-identification)
[2] Rossi et al., « Spatio-temporal clustering of mobile phone users », Imperial College London, 2017
[3] « Your Apps Know Where You Were Last Night, and They’re Not Keeping It Secret », The New York Times, 2018
→ https://www.nytimes.com/interactive/2018/12/10/business/location-data-privacy-apps.html
[4] de Montjoye et al., « On the privacy-conscient use of mobile data », Stanford, 2021 (mise à jour des travaux précédents)
[5] « The Metadata Trap », Electronic Frontier Foundation, 2022
→ https://www.eff.org/deeplinks/2022/04/metadata-trap